- ÉCOTOXICOLOGIE
- ÉCOTOXICOLOGIEL’écotoxicologie peut se définir, de la façon la plus simple, comme l’étude des conséquences écologiques de la pollution de l’environnement par les substances toxiques.À l’image de toutes les démarches écologiques, elle comporte plusieurs niveaux d’investigation. À celui de l’individu, elle étudie les perturbations fonctionnelles (= écophysiologiques) produites par l’exposition des êtres vivants – dans la nature – à tel ou tel polluant, ainsi que les conséquences qui en résultent pour les populations affectées (niveau démoécologique).Cependant, le domaine le plus spécifique de l’écotoxicologie se situe au niveau synécologique: son objet majeur tient en l’étude des effets des polluants sur les écosystèmes et la biosphère tout entière.1. La notion de polluant toxiqueLa simplicité apparente de la définition de l’écotoxicologie masque en fait les difficultés de délimitation du domaine propre à cette discipline.Recouvrant des acceptions diverses, les notions de polluant et de toxique sont loin d’être dépourvues d’ambiguïté. Aussi convient-il tout d’abord de mieux cerner ces concepts.On peut désigner sous le terme de polluant toute substance artificielle produite par l’homme et dispersée dans l’environnement, mais aussi toute modification d’origine anthropogène affectant le taux ou (et) les critères de répartition dans la biosphère d’une substance naturelle propre à tel ou tel milieu. Un poison redoutable comme la dioxine (cf. par exemple, l’affaire de Seveso) est, de toute évidence, une substance polluante. Cependant, il faut également bien saisir que le rejet de gaz carbonique dans l’atmosphère, par exemple, bien qu’il en représente un constituant naturel, fait aussi de ce composé un polluant, par le jeu des combustions d’hydrocarbures et du charbon.Un même composé toxique peut provoquer des troubles physiologiques variés selon la quantité absorbée, la durée de l’exposition, l’espèce, le groupe taxonomique auquel l’organisme contaminé appartient.On oppose de façon classique toxicité aiguë et toxicité à long terme. L’une et l’autre peuvent exercer leurs effets dans les cas de pollution de tout milieu naturel, qu’il soit terrestre, limnique ou marin.La toxicité aiguë entraîne de très graves troubles physiologiques, voire la mort rapide après un court délai suivant l’absorption du composé nocif.La toxicité à long terme , qui concerne les effets résultant de l’exposition à de faibles concentrations de polluant, parfois même à des doses infinitésimales de l’ordre de la partie par milliard (p.p.b.), engendre un cumul d’effets nocifs discrets. Cette toxicité à long terme occasionne parfois des troubles dégénératifs très graves (mutations, cancers, stérilisation partielle ou totale, etc.) dont la manifestation nécessite un temps de latence de l’ordre de plusieurs années, voire de plusieurs décennies.Les divers modes de toxicité d’un agent polluant s’évaluent en établissant des relations dose-réponse. En effet, les notions de toxique et de polluant sont toutes relatives et dépendent étroitement de la dose associée et des effets corrélatifs observés. L’antique adage de Paracelse, Sola dosis fecit venenum , reste toujours vérifié en écotoxicologie, en particulier lorsque la pollution concerne des substances naturelles (anhydride sulfureux SO2, mercure, ozone, par exemple) dont l’homme ne fait qu’augmenter les concentrations présentes, selon le cas, dans l’air, l’eau ou les sols.Toute recherche écotoxicologique implique au préalable la réalisation de tests de toxicité qui permettent d’établir les courbes dose-réponse (ou dose-effet). La représentation en coordonnées arithmétiques de l’effet observé (pourcentage de mortalité, de cancers, de stérilisation, etc.) en ordonnée et de la dose ou de la concentration du polluant en abscisse conduit à des courbes complexes, d’allure sigmoïdale. Une transformation mathématique, dite de probits, permet de réduire ces dernières en des lignes droites avec lesquelles les données expérimentales sont plus faciles à manipuler (fig. 1).Grâce à ces droites probits-dose ou probits-concentration, on peut calculer des paramètres écotoxicologiques essentiels comme la dose létale 50 p. 100 (D.L. 50); dose pour laquelle l’agent polluant étudié provoque 50 p. 100 de mortalité après un temps d’exposition donné (24 h, 96 h, ..., un an, selon l’étude entreprise).En milieu aquatique ou aérien, on évalue la C.L. 50, concentration d’une substance polluante dans l’eau ou dans l’air qui provoque 50 p. 100 de mortalité après un temps donné. Des paramètres correspondants existent pour les effets mutagènes, carcinogènes, stérilisants, etc.Il existe en réalité plusieurs types de courbes dose-réponse (fig. 2). Si l’existence d’un seuil de nocivité est évidente dans le cas de substances naturelles indispensables aux êtres vivants, dont les effets sont donc favorables à faibles doses (cas du fluor et du cobalt, par exemple) et deviennent nocifs à partir de certaines concentrations, on ne saurait, pour autant, en tirer une règle générale.Bien que la preuve irréfutable n’ait pas encore été faite, il semblerait que les effets mutagènes et cancérigènes de très nombreuses substances organiques de synthèse et des radiations ionisantes soient caractérisés par des courbes dose-réponse de type sigmoïde sans seuil.En conséquence, la législation afférente à la protection de l’environnement de l’homme quant aux produits chimiques de synthèse et la libération de déchets radioactifs par l’industrie nucléaire doit être drastique et rigoureusement appliquée.2. Modalités de contamination de la biosphère par les agents polluantsLes causes de pollution de l’environnement ne cessent de se multiplier dans le monde contemporain. On peut distinguer trois causes essentielles de contamination de la biosphère dans la civilisation industrielle: la production d’énergie, les activités de l’industrie chimique et les activités agricoles.Pour chacune d’entre elles, il existe des sources de pollution situées en amont, au stade de la fabrication, et en aval, au stade de l’utilisation par le consommateur.On ne saurait dresser ici une liste exhaustive des innombrables composés organiques rejetés tant en amont qu’en aval de l’activité industrielle moderne: aldéhydes, phénols, fluorures, amines diverses, etc., sont dispersés dans le milieu naturel et se retrouvent soit dans l’air, soit dans les eaux, contribuant ainsi à la contamination des divers écosystèmes.La circulation des polluants dans la biosphère joue un rôle important. En aucun cas, la contamination de l’environnement ne se limite à un phénomène ponctuel ou localisé. Tôt ou tard, les substances toxiques se dispersent rapidement dans l’air, les sols et les eaux, de sorte que le jeu des facteurs biogéochimiques les entraîne fort loin du point de rejet.Pour l’environnement, la nocivité d’un toxique dépend pour une bonne part de sa stabilité. Fort heureusement, un grand nombre de polluants sont instables. L’action conjuguée des facteurs physico-chimiques et des micro-organismes (bactéries édaphiques ou aquatiques) provoque leur décomposition en produits de dégradation peu ou pas toxiques. Cette biodégradabilité est donc un facteur essentiel de neutralisation des polluants.Malheureusement, un nombre de molécules organiques tout de même important (les composés organochlorés, par exemple) et certains dérivés des métaux lourds ne sont pas biodégradables.Le temps de demi-vie d’un agent polluant est une notion importante en écotoxicologie. Plus la stabilité d’un composé est grande, plus importants sont les risques de contamination des biocénoses. Pour les biphényles polychlorés (P.C.B.), pour la dioxine contenue dans les sols, ce temps de demi-vie est de plusieurs années. Il dépasse dix ans pour le D.D.T. dans l’eau. Enfin, dans le cas des radionucléides, ce temps de demi-vie se confond avec la période physique des radioéléments incriminés car, ici, la notion de biodégradabilité n’intervient pas: leur demi-vie est comprise entre quelques jours (iode 131) et plus de 24 000 ans (plutonium 239) selon les radioéléments.Les polluants présents dans le milieu naturel sont susceptibles d’être concentrés par les êtres vivants, mais, bien que la concentration biologique se produise chez toutes les espèces, il existe toute une série d’organismes chez qui cette propriété est très développée et que l’on dénomme, de ce fait, des concentreurs .En milieu limnique et marin, le plancton est capable de «pomper» littéralement des traces de contaminants. Alors que les biphényles polychlorés n’excèdent pas 0,01 p.p.b. dans les eaux superficielles de l’Atlantique, on a relevé 3 050 p.p.b. de P.C.B. dans le phytoplancton prélevé au large du golfe du Saint-Laurent. Ces organismes phytoplanctoniques peuvent, de la même façon, concentrer 3 000 fois le plutonium présent dans l’eau de mer.En milieu terrestre, les lombrics présentent une capacité considérable de concentration des divers toxiques présents dans le sol. Leur régime détritiphage les conduit, en effet, à ingérer chaque jour pour se nourrir des quantités considérables d’humus et de litière. On a ainsi constaté que des lombrics prélevés à proximité de voies autoroutières renfermaient dans leur organisme des concentrations de plomb plusieurs dizaines de fois supérieures à celles du sol.De même, dans les cultures, ces vers de terre peuvent accumuler le D.D.T. à un taux 150 fois supérieur à sa concentration dans le milieu ambiant.L’existence de concentreurs biologiques favorise le passage des polluants dans les chaînes alimentaires. Il en résulte un phénomène de transfert et d’amplification des pollutions à l’intérieur des biocénoses contaminées. Chaque réseau trophique est le site d’un processus de concentration des toxiques persistant dans la biomasse au fur et à mesure que l’on remonte les divers niveaux de la pyramide écologique.On distingue deux paramètres importants dans ces phénomènes d’amplification biologique des pollutions: le facteur de transfert et le facteur de concentration. Le premier désigne le rapport entre la concentration d’un toxique dans une espèce de niveau trophique n + 1 et sa concentration dans une espèce de niveau trophique n . Le facteur de concentration désigne, lui, le rapport de la concentration du toxique dans l’organisme d’une espèce donnée par rapport à sa concentration dans le milieu ambiant.En conclusion, si l’on applique aux polluants persistants le principe de construction des pyramides écologiques, en figurant leur taux moyen de concentration à chaque niveau, on constate que la pyramide des concentrations présente un aspect rigoureusement inversé par rapport à celle des biomasses.Ainsi, par le jeu des chaînes alimentaires, l’homme qui est situé au sommet de toutes les pyramides écologiques s’expose en quelque sorte à un «effet boomerang» des agents polluants.écotoxicologie [ekotɔksikɔlɔʒi] n. f.❖♦ Didact. Science qui étudie les conséquences écologiques de la pollution, de la contamination chimique ou radioactive.
Encyclopédie Universelle. 2012.